Analyse n°334 de Raïssa M'bilo - juillet 2018
Le 7 décembre 2017, un projet de loi sur les visites domiciliaires est mis sur la table. Immédiatement, c’est l’emballement médiatique : le gouvernement voudrait-il organiser des rafles dans tout le pays ? Indignation générale dans le monde associatif, partagée par les praticiens du monde juridique qui montent au créneau à leur tour. Les universitaires ne sont pas en reste : "Inacceptable", scandent encore un millier de citoyens inquiets qui interpellent leurs communes sur le sujet. Résultat : plusieurs d’entre elles adoptent des motions contre. Le 3 septembre dernier, la presse nous apprenait que le ministre Geens renonçait, pour l’instant, au projet de loi sur les visites domiciliaires.1 Ce dossier étant très sensible et très médiatisé, il préfère prioriser d’autres points de son programme. Les détracteurs de ce projet de loi restent tout de même méfiants car si le projet n’aboutira pas sous cette législature-ci, il reste tout de même dans une armoire prêt à être ressorti à un moment plus "propice".
Revenons tout de même dessus.
Le projet de loi qui a mis le feu aux poudres modifie la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, afin de garantir l’exécution des mesures d’éloignement.
Accusé de porter atteinte à certains droits fondamentaux comme la vie privée et l’inviolabilité du domicile, le projet fait l’objet d’un débat plusieurs fois reporté en Commission Intérieur du Parlement fédéral. Les défenseurs de cette modification initiée par Théo Francken, Jan Jambon et Koen Geens martèlent qu’il s’agit simplement de protéger les personnes en situation irrégulière : le projet de loi comblerait un vide juridique quant à l’encadrement des arrestations administratives des sans-papiers ayant reçu un ordre de quitter le territoire. Encadrer donc redéfinit les droits et permet de pointer plus facilement les irrégularités. Cela permettra surtout d’éviter de ralentir les procédures d’expulsion à cause de vices de procédure, donc de les rendre plus efficaces.
Au-delà des polémiques et de l’émotion suscitée, que dit réellement le projet de loi ? Et menace-t-il réellement nos libertés ? Le gouvernement Michel criminalise-t-il davantage les sans-papiers et consacre-t-il, dans la foulée, un "délit de solidarité" ? Quel est l’impact des différents avis d’experts et de l’opposition de certaines communes à l’égard du projet de loi ? C’est ce que nous proposons d’éclairer dans cette analyse.
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1 R. Crivellaro, « Le projet de loi au frigo mais les défenseurs des migrants ne crient pas victoire », in RTBF.be , 3 septembre 2018, disponible sur : https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_visites-domiciliaires-au-frigo-mais-les-defenseurs-des-migrantsne-crient-pas-victoire?id=10009702
Raïssa M’bilo est chercheuse au CPCP. Elle est titulaire d’un master en droit à finalité Droit européen.