Analyse n°369 de Solène Houzé - mars 2019
Le secteur touristique a encore de beaux jours devant lui. En effet, avec une croissance de 7 % par rapport à l’année précédente, le nombre d’arrivées de touristes internationaux1 se chiffre maintenant à plus d’1,3 milliards en 2017. En 15 ans environ, celui-ci aura ainsi doublé et cela fait huit ans que la croissance est ininterrompue. Cette tendance semble s’être poursuivie en 2018. Au niveau des moyens de transport, 57 % de ces arrivées sont issues du tourisme aérien contre 37 % par l’automobile et seulement 6 % pour le train et le bateau.2 Le transport aérien est en effet un des moteurs du tourisme actuel. Son développement est un des facteurs de la démocratisation et donc de la massification du tourisme durant ces 40 dernières années, dans le contexte de la mise en place d’un système libéralisé et mondialisé.3
Dans cette voie vers l’accessibilité aux déplacements internationaux, le low-cost aérien a su s’insérer dans un marché relativement élitiste, apporter des solutions aux défis économiques de notre époque et se développer pour devenir aujourd’hui un des secteurs les plus en vogue. Les promesses idéologiques de voyage accessible à tous et de la réalisation de soi par le voyage servent ainsi à justifier le modèle du low-cost aérien. Cependant ce modèle commence à montrer ses limites et connaît de multiples dérives sociales, économiques et environnementales. L’évolution du secteur, ces dernières années, montre pourtant qu’il n’est pas prêt de s’épuiser et même qu’on est probablement face à une réorganisation complète des concepts de tourisme et de mobilité, voire des modes de production pour le low-cost en général.4
Cet article tient donc à analyser les dessous du modèle low-cost aérien pour comprendre son fonctionnement et saisir les enjeux auxquels il expose la société et sa transition vers une société plus juste et durable. La région spatiale de l’Europe semble être la plus appropriée pour cette analyse. En effet, la géographie de l’Europe est assez spécifique. Les États-Unis sont à eux seuls aussi spatialement étendus que le territoire européen qui compte une petite trentaine de pays. Les notions de distance sont donc bien différentes et il est tout à fait réaliste de voyager sans utiliser l’avion, au moins dans les pays limitrophes, en Europe. Les touristes européens privilégient d’ailleurs les destinations européennes pour leurs vacances. Ainsi, la majorité choisit depuis quelques années leur propre pays ou un autre de l’Union européenne pour leur destination touristique.5 Aubaine pour le low-cost aérien qui se spécialise dans les voyages de courte distance sans escale, concurrençant ainsi directement les autres moyens de transports.6
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1 Un touriste international est une personne étrangère à un pays passant au moins une nuit (ou 24h selon les définitions) dans celui-ci. Ce chiffre ne prend donc pas en compte le tourisme intérieur. De plus, on parle bien d’arrivées et non de personnes individuelles ayant voyagé une fois chacune.
2 Organisation mondiale du tourisme, "2017 : nouvelle année record selon les faits saillants du tourisme", Unwto.org, 27 août 2018, [en ligne :] http://www2.unwto.org/fr/press-release/2018-08-27/2017-nouvelle-annee-record-selon-les-faits-saillants-du-tourisme, consulté le 9 janvier 2019.
3 Y. Bigras, I. Dostaler, "Tourisme et transport : vers une vision intégrée", Téoros, « Tourisme et transport / Tourisme et handicap », n°32-3, 2013, p. 3-6.
4 L.-M. Barnier, C. Calame, J. Vandewattyne, "Le low cost dans le secteur aérien. Vers une reconfiguration systémique de la production ?", La Nouvelle Revue du Travail, n°12, "Low Cost", 2018.
5 D’après les analyses de Touteleurope.eu, "Le tourisme national en Europe", 11 juillet 2014, [en ligne :] https://www.touteleurope.eu/actualite/le-tourisme-national-en-europe.html et S. Brocard "10 chiffres sur le tourisme européen", 24 juillet 2018, [en ligne :] https://www.touteleurope.eu/actualite/10-chiffres-sur-le-tourisme-europeen.html, à partir des statistiques Eurostat sur le tourisme européen (https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explaine/index.php?title=Tourism_trips_of_Europeans), consultés en ligne le 10 janvier 2019.
6 L.-M. Barnier, C. Calame, J. Vandewattyne, op. cit.
Solène Houzé est chercheuse au CPCP. Elle est titulaire d’un master en agroécologie.