Analyse n°241 de Jean-François Boulet - septembre 2015
Centième anniversaire oblige, la Première Guerre mondiale, souvent éclipsée par la Seconde, retrouve le devant de la scène. Expositions, documentaires et événements en tout genre ont donc refait surface, et devraient continuer à fleurir dans les années à venir. Quel regard porte-t-on aujourd’hui sur cette boucherie qui a coûté la vie à au moins dix millions d’hommes ? À l’heure de la construction européenne, le discours patriotique qui, au sortir de la guerre, exaltait le sacrifice des soldats "morts pour la patrie" a généralement fait place à une rhétorique mettant l’accent sur l’absurdité de ce conflit entre "voisins". Qu’en est-il dans notre pays? Un constat saute aux yeux : les moyens mis en oeuvre et les angles d’attaque varient considérablement entre les différents niveaux de pouvoir. La Flandre n’a pas lésiné sur les moyens et se concentre exclusivement sur les "Flanders Fields", théâtres d’affrontements sanglants entre les belligérants. Côté wallon, il ne semble pas être question de mettre en avant un point de vue régional particulier. Ici, comme au niveau fédéral, l’accent est mis sur l’importance des événements de 14-18 dans l’évolution globale de notre société, avec l’appui des historiens spécialistes en la matière.
Difficile de ne voir derrière ces orientations divergentes que le fruit innocent d’un manque de coordination entre les différentes entités. La mise en évidence de tel ou tel aspect du conflit reflète un choix politique. Une fois de plus, le communautaire ne semble pas bien loin. Aux yeux du mouvement flamand, la Première Guerre mondiale est en effet perçue comme un moment d’affirmation de la conscience flamande face à l’oppression de l’État belge, francophone. Qu’en est-il de la réalité historique ? Cette conception permet-elle d’expliquer le tour pris par les commémorations flamandes de la Première Guerre mondiale ? Deux questions auxquelles nous tenterons de répondre.
À cette fin nous aborderons une par une les idées reçues qui sont associées à l’expérience belge de la Grande Guerre, en gardant à l’esprit que les faits historiques nous apparaissent toujours à travers le regard de personnes qui les relatent. En ce sens, l’analyse historique fait souvent naître plus de questions complexes que de réponses catégoriques. Nous tenterons ensuite de percevoir en quoi ces souvenirs, précis ou romancés, tiennent une place de choix dans la mémoire du mouvement flamand. De sorte que, cent ans après, le sujet semble encore teinté d’accents politiques...
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