Étude n°7 de Elise Ottaviani - décembre 2010
Partout dans le monde, les êtres humains sont confrontés au problème de l’accès à l’eau potable. Selon le dernier rapport conjoint de l’OMS et de l’Unicef1, 1,2 milliards de personnes ne disposent pas d’un accès à l’eau (un tiers d’entre elles vivant en Afrique subsaharienne). Plus préoccupant encore : 39% de la population mondiale n’ont pas accès à des installations sanitaires de base. Cela représente 2,6 milliards d’êtres humains et, dans ce cas-ci encore, c’est l’Afrique subsaharienne qui est la plus touchée. Chaque jour, 6 000 enfants décèdent à cause du manque d’eau potable et d’hygiène2. Aussi bien le manque d’eau que la mauvaise qualité de celle-ci (ce qui peut provoquer des maladies telles que le choléra, la typhoïde, les diarrhées, la dysenterie…) sont donc problématiques. Concrètement, on estime que "l’absence, l’insuffisance d’eau potable ou sa mauvaise qualité tuent dix fois plus que l’ensemble des conflits armés"3. On comprend ainsi pourquoi l’accès à l’eau représente un enjeu aussi crucial pour bon nombre de pays et peut devenir un facteur de tensions géopolitiques.
Au cours des dernières années, les pressions croissantes exercées sur les ressources ont participé à l’augmentation et l’intensification de situations conflictuelles. Ces pressions sont caractérisées par un certain nombre de facteurs, parmi lesquels on retrouve au premier plan la croissance démographique : les populations augmentent, alors que la quantité de ressources disponibles s’épuise. De plus, l’urbanisation croissante contribue, lorsque les infrastructures en eau sont inadaptées, à la multiplication des phénomènes de pollution et à l’expansion des maladies hydriques4. Par ailleurs, l’accroissement de la population mondiale aura entre autres pour conséquence une augmentation des besoins en eau pour l’irrigation de l’ordre de 14% d’ici à 2030. Alors que le secteur agricole est déjà le principal consommateur d’eau au monde, puisqu’il utilise 70% des ressources disponibles5, ce pourcentage est supposé s’accroître en raison de la croissance démographique mais aussi de la transformation des régimes alimentaires (il faut 15 fois plus d’eau pour produire un kilo de boeuf que pour un kilo de blé). Mentionnons également le réchauffement climatique, qui semble désormais inéluctable et dont l’effet sur la quantité de ressources disponibles peut encore difficilement être évalué.
Dès lors, s’achemine-t-on, comme certains semblent le croire, vers des guerres de l’eau ? Pour tenter de répondre à cette question, nous allons examiner une sélection non exhaustive de contextes régionaux dans lesquels l’accès à l’eau est problématique. Nous verrons ainsi que l’eau représente très certainement un enjeu géostratégique de taille et est, par conséquent, une source potentielle de conflits. Néanmoins, certains exemples montrent que les tensions peuvent parfois être dépassées grâce à une coopération interétatique efficace. Nous nous attarderons également sur le développement des technologies de l’eau, qui offrent un réel espoir d’augmentation de la quantité de ressources disponibles.
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1 Organisation mondiale de la santé : http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2010/water_20100315/fr/index.html, consulté en septembre 2009.
2 « Le XXIe siècle sera celui des guerres de l’eau », Courrier International, 22 mars 2006.
3 Loïc Fauchon (Président du Conseil mondial de l’eau), in GALLAND, Franck, L’eau, Géopolitique, enjeux, stratégies, Paris, CNRS Éditions, 2008.
4 Maladies provoquées par l’ingestion ou le contact avec une eau insalubre véhiculant des micro-organismes (bactéries, virus, parasites…) ou substances toxiques (pesticides, toxines, nitrates, plomb, mercure…). Cité des sciences : http://www.cite-sciences.fr/lexique/definition1.php?id_expo=49&idmot=375&radiob=1&recho=&resultat=&num_page=2&habillage=glp&lang=fr&id_habillage=86, consulté en octobre 2010.
5 GALLAND, Franck, L’eau, Géopolitique, enjeux, stratégies, Paris, CNRS Éditions, 2008.