Analyse n°378 de Marine Streel - juillet 2019
"Suite à du harcèlement sur Internet, Ryan se suicide à l’âge de 14 ans. Le jeune homme souffrait de difficultés d’expression et de mouvement, ainsi que de difficultés scolaires. Un groupe de camarades d’école l’avait pris pour cible de moqueries durant plus de trois ans au point qu’il avait souhaité quitter son école. Il avait cependant refusé que ses parents avertissent la direction de l’école de peur des représailles de ses agresseurs. Dans cette affaire, plusieurs étapes se succédèrent avec une première phase de harcèlement, suivie d’une pseudo-réconciliation pour lui soutirer des informations. Son harceleur fit ensuite courir sur le net la rumeur que Ryan était gay et lui avait fait des avances. Durant l’été, Ryan entretenu une relation par internet avec une fille de son école pour contrer les rumeurs d’une éventuelle homosexualité. À la rentrée, lorsqu’il approcha sa petite amie, elle se moqua de lui et l’humilia publiquement. Il ne s’agissait que d’un leurre, pour le ridiculiser. Elle diffusa le contenu de leurs messages sur le net, aux autres élèves de l’école. Suite à cette affaire, les lois du Vermont ont été modifiées pour prévenir ce genre de phénomène dans les écoles." 1
Ce récit d’un cas de harcèlement en ligne illustre les conséquences dramatiques que peuvent provoquer moqueries et humiliations à répétition envers un individu. Le harcèlement scolaire 2 existe depuis toujours, mais, ces dernières années, une nouvelle forme de maltraitance a vu le jour : le cyberharcèlement. L’évolution du numérique – et l’omniprésence des supports technologiques – ont profondément modifié les rapports sociaux entre les adolescents. Les réseaux sociaux ont facilité le processus de socialisation, le développement identitaire et l’ouverture à la diversité. La jeune génération dispose de lieux virtuels (Facebook, Instagram, etc.) lui permettant de partager des photos, vidéos et écrits sur des moments de vie intimes et quotidiens et de les diffuser à l’échelon mondial. Cependant, l’utilisation du net et particulièrement des réseaux sociaux comporte des dérives et dangers importants tels que certaines formes de violence à l’origine du harcèlement chez les jeunes. Les comportements à risque sur le net se multiplient et demeurent encore largement tabous et impunis, en raison d’un faible contrôle et d’une éducation aux médias encore peu développée. 3 Cette analyse a pour objectif de mettre en exergue l’ampleur de la problématique du cyberharcèlement chez les adolescents en proposant un premier volet d’ancrage sur le harcèlement classique. La deuxième partie rassemble les connaissances actuelles et générales du cyberharcèlement dont l’objectif est de saisir les similitudes et différences avec le harcèlement classique. Une seconde analyse sera dédiée au volet pratique concernant des démarches de prévention et d’intervention mises en place au sein des écoles qui permettent de lutter contre le cyberharcèlement.
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1 Exemple tiré de F. Quinche, "Cyber-harcèlement. Jeunes et violences 'virtuelles'", Jeunes et Médias. Les Cahiers francophones de l’Éducation aux Médias, n°1, septembre 2011, p. 143-154.
2 Lire à ce sujet l’étude de M.-S. Delefosse, Le harcèlement à l’école, Bruxelles : CPCP, Étude n°19, décembre 2015, [en ligne :] http://www.cpcp.be/publications/harcelement-ecole.
3 C. Blaya, "Cyberviolence et cyberharcèlement : approches sociologiques", La Nouvelle Revue de l’Adaptation et de la Scolarisation, LIII, 1, 2011, p. 47-65.
Marine Streel est psychologue clinicienne de l’adulte. Elle a réalisé ses études à l’Université Catholique de Louvain et porte un intérêt considérable pour la problématique des addictions.