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Le cours d'histoire comme outil à la citoyenneté critique ?

Le cas du passé colonial belge

Étude n°36 de Emma Raucent - octobre 2021


Que vous rappelez-vous de votre cours d’histoire à l’école ? Plus précisément, vous souvenez-vous que l’on vous ait enseigné l’histoire du passé colonial belge ? Si oui, qu’en avez-vous retenu ? Avez-vous réalisé ce bilan comptable consistant à calculer, sur un mode utilitariste, les avantages et inconvénients qu’a représenté le projet colonial tant pour les colons que pour les colonisés ? Ce passé était-il critiqué, analysé, excusé, justifié, glorifié, mentionné au passage ou simplement omis ? Au départ de ce questionnement, un constat personnel : je n’ai aucun souvenir d’avoir suivi un cours approfondi sur les racines coloniales de mon pays à l’école. Une expression perplexe s’affiche d’ailleurs quasi systématiquement sur les visages des personnes à qui je demande de recouvrer, à titre personnel, un tel souvenir. Et à la vue d’événements médiatiques récents 1, il apparaît qu’un constat similaire pourrait être tiré chez de nombreux élèves sortant de leur année de rhéto. Une méconnaissance de ce passé, même des grands points d’accord que partagent les historiens sur celui-ci, frapperait aussi de nombreuses personnalités politiques belges, indépendamment de la génération ou de la famille politique à laquelle elles appartiennent.2 Or, de multiples revendications décoloniales trouvent une visibilité médiatique croissante en Belgique et portent notamment sur le devoir public et civique de mémoire et de connaissance du passé colonial et de ses conséquences sur le présent. Ces observations me mènent à la question suivante : quelle place a-t-on accordé, accorde-t-on et devrait-on accorder au passé colonial belge au sein du cours d’histoire en secondaire ?
Dans cette étude, le contexte sociopolitique actuel justifiant d’un tel questionnement sera d’abord posé. La commission parlementaire spéciale autour du passé colonial belge et de ses conséquences, mise en place en juin 2020, publiera bientôt un rapport qui aura un retentissement certain au sein de la société civile. Sommes-nous préparés à un tel débat public ? Dans la première partie de cette étude, un état des lieux de l’enseignement du passé colonial en Fédération Wallonie-Bruxelles offrira une réponse partielle à cette question. Force sera de constater que de nombreuses critiques sont formulées face à l’absence d’un tel enseignement à l’école ainsi qu’à sa nature vague, voire erronée, lorsqu’il est effectivement dispensé. Dans la deuxième partie de cette étude, un détour historique nous permettra de contextualiser les lacunes actuelles de cet enseignement. Spécialement, cette partie portera sur l’analyse de l’évolution dont l’enseignement du passé colonial a fait l’objet depuis les dernières décennies de la colonisation belge jusqu’à aujourd’hui. Finalement, la troisième partie posera une réflexion sur certains obstacles actuels à l’établissement d’un enseignement rigoureux et critique de l’histoire coloniale belge. Elle envisagera la marge de manœuvre dont bénéficient les enseignants d’histoire pour dispenser cette matière ainsi que les facteurs pratiques mais aussi politiques qui limitent leur marge de manœuvre. Dans cette troisième partie, les enjeux mémoriels de ce passé (encore récent et prégnant) ainsi que leur place au sein du cours d’histoire seront discutés. La classe d’histoire peut-elle accueillir les mémoires ? Doit-elle rassembler les élèves autour d’une nouvelle mémoire commune ? Cette discussion est d’autant plus pressante qu’elle a lieu au moment où de nouveaux référentiels pour le cours d’histoire devraient être bientôt approuvés par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour le tronc commun, c’est-à-dire, jusqu’en troisième secondaire.

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1 C. DJUNGA, "La lettre ouverte de Cécile Djunga : "Madame Caroline Désir, l’éducation est une pièce maîtresse de la lutte contre le racisme et les discriminations"", Le Soir, 6 juin 2020, [en ligne :] https://plus.lesoir.be/305403/article/2020-06-06/la-lettre-ouverte-de-cecile-djunga-madame-caroline-desir-leducation-est-une, consulté le 20 juin 2021.
2 S. WUSTEFELD, "Romain Landmeters : "quel est l’un des grands consensus entre historien·ne·s de la colonisation ? Celui sur la violence de l’entreprise coloniale belge"", Etopia, 9 décembre 2020, [en ligne :] https://etopia.be/romain-landmeters-quel-est-lun-des-grands-consensus-entre-historien-nes-de-la-colonisation-celui-sur-la-violence-de-lentreprise-coloniale-belge, consulté le 14 octobre 2021.


Emma Raucent est titulaire d’un master en droit ainsi que d’un master de spécialisation en philosophie du droit. Elle est chargée de recherche dans la thématique Famille, Culture & Éducation, au sein du pôle Recherche & Plaidoyer chez Citoyenneté & Participation.

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