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Espaces publics

Ennemis ou alliés de la crise sanitaire

Analyse n°445 de Benoît Debuigne - décembre 2021


Au matin du 11 mars 2020, l’OMS 1 requalifie officiellement la propagation de la COVID-19 2 en pandémie mondiale. Cette crise sanitaire aurait démarré en décembre 2019 en Chine à Wuhan, même s’il paraît de plus en plus probable que le virus circulait déjà à bas bruit les mois précédents. Dans les mois qui suivent, elle plonge une bonne partie de la planète dans des confinements et restrictions plus ou moins importants. Ces décisions, parfois mal comprises, ont été prises d’après la vitesse de circulation du virus, des priorités politiques ou encore des contextes culturels ou économiques. Une pléthore de mesures ont été mises en œuvre pour maîtriser la maladie, limiter la quantité de morts, et soulager la pression pesant sur les hôpitaux et les infrastructures de santé. Toujours selon l’OMS, le nombre de décès dans le monde s’élevait à 5,11 millions au 16 novembre 2021. À cette même date, la Belgique a recensé 26 403 morts liés au COVID-19 3.
Partant de là, ce sont quasiment toutes nos habitudes qui ont été bouleversées. À dire vrai, en Belgique, nous n’avons plus connu de restrictions aussi fortes dans nos déplacements et dans nos relations sociales depuis la Seconde Guerre mondiale. Sans aucune comparaison possible entre les processus et leurs conséquences, les impacts psychologiques, psychiques et physiques ont été profonds, et particulièrement chez les plus fragiles. Les limitations ont été nombreuses : frontières fermées, télétravail obligatoire, besoin d’attestation pour déplacements essentiels, couvre-feux…
Comment se sont traduits ces changements dans notre espace public ? Au début de la crise, l’espace public était diabolisé et anxiogène, lieu de tous les dangers. La preuve en est qu’à certains moments, de nombreuses activités et animations de nos espaces publics ont tout simplement disparus pour raisons sanitaires. On pense notamment aux marchés, activités culturelles, sportives… Citons en exemple le marché de la Batte à Liège, plus ancien marché de Belgique, supprimé pendant plusieurs mois sur décision communale 4. Ensuite, au fur et à mesure du temps, paradoxalement, l’espace public est devenu un lieu de résilience permettant de respirer, de soulager la solitude et l’ennui… De nombreux citoyens ont été amenés à redécouvrir leur proximité en réinvestissant leur quartier à pied, à vélo grâce à la place laissée par les véhicules. De ces constats, on peut affirmer que la crise sanitaire que nous vivons toujours aujourd’hui, prouve à quel point les espaces publics comptent dans nos vies.
Cette publication remplit plusieurs objectifs. Dans un premier temps, elle proposera une analyse tendancielle de l’impact du COVID-19 sur nos espaces publics et ses usagers. Pour ce faire, nous utiliserons différents outils comme l’analyse proxémique 5, les lieux centrifuges 6 et centripètes 7… Ils faciliteront la lecture des évènements qui ont rythmé les changements d’usages dans nos rues, quartiers, espaces verts… Subséquemment, nous examinerons si l’ensemble de la population a été touchée de la même manière par ces modifications. Y a-t-il eu une sélection sociale, générationnelle… dans l’accès à l’espace public lors de cette période si singulière ? Puis, nous observerons quelles réponses ont été apportées pour augmenter notre résilience. Nous nous attarderons plus particulièrement sur les solutions proposées par l’urbanisme tactique 8. Et enfin, nous nous demanderons quelles leçons nous pouvons tirer pour l’avenir sur la conception, la construction et l’utilisation de nos espaces publics.

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1 Organisation Mondiale de la Santé.
2 Maladie infectieuse virale de la famille des coronavirus découverte en 2019.
3 "Tableau de bord de l’OMS de la COVID-19", [en ligne :] https://covid19.who.int, consulté le 9 août 2021.
4 "Coronavirus : le marché de la Batte, à Liège, n’aura plus lieu jusqu’au 5 avril", L’Avenir, 19 mars 2020, [en ligne :] https://www.lavenir.net/cnt/dmf20200319_01458808/coronavirus-le-marche-de-la-batte-a-liege-n-aura-plus-lieu-jusqu-au-5-avril, consulté le 10 août 2021.
5 Ensemble des observations et théories que l’être humain fait de l’espace, ainsi que la relation qu’il entretient avec ses semblables.
6 Se dit d’un lieu répulsif.
7 Se dit d’un lieu attractif.
8 L’urbanisme tactique est une forme d’urbanisme plus spontané qui met en place des aménagements temporaires au sein de l’espace public pour répondre à de nouveaux besoins de la population.


Benoît Debuigne est licencié en sciences géographiques (UCL) et détenteur d’un troisième cycle en aménagement du territoire et développement local (ULB). Aujourd’hui, il est responsable de la thématique Lieux de vie & Espace public au sein de Citoyenneté & Participation.

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