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Migration et habitudes alimentaires

Quand la consommation de produits locaux rencontre la multiculturalité belge

Analyse n°457 de Louise Vanhèse - mai 2022


Le couscous aux choux de Bruxelles, le secret d’une marocaine installée à Bruxelles et un étonnant mélange entre alimentation locale et multiculturalité. Au-delà de ce témoignage, manger local fait-il sens pour les personnes de nationalité ou d’origine étrangère ? Ce questionnement est né suite à un double constat d’abord personnel puis, professionnel.
Dans certains quartiers de villes belges, nous ne pouvons que remarquer la présence de plusieurs commerces qui commercialisent spécifiquement des produits alimentaires qui ne sont pas produits en Belgique (manioc, bananes…). La présence de ces magasins nous amène à nous questionner sur le lien entre la culture alimentaire et le pays dans lequel nous vivons et plus largement sur les liens à établir entre notre manière de consommer et nos origines.
Si, pour les Belges d’origine 1, manger local a un certain sens car les produits locaux correspondent à leurs standards de consommation et les renvoient à un territoire auquel ils appartiennent, est-ce également le cas pour des personnes d’origine ou de nationalité étrangère vivant en Belgique ? Ne ressentent-elles pas plutôt le même sentiment lorsqu’elles consomment les produits de leur pays ? De ce fait, les grandes recommandations à la consommation de produits locaux résonnent-elles de la même manière pour tous ? La multiculturalité de notre pays ainsi que les enjeux climatiques fortement liés à notre manière de consommer, nous amène à ce questionnement. Peut-on un jour imaginer généraliser la consommation de produits locaux alors que la mobilité des personnes à travers le monde n’a jamais été aussi importante et, de ce fait les cultures alimentaires aussi éparpillées ? Pour aller plus loin, est-il envisageable, en guise de solution, de cultiver en Belgique certains fruits et légumes nécessaires aux habitudes alimentaires de personnes originaires d’autres cultures ?
Cette réflexion quant aux liens entre origines et influences sur la consommation a été renforcée lors d’un atelier d’éducation permanente durant lequel des femmes d’origine africaine se sont littéralement animées à partir du moment où l’on a commencé à parler de cuisine africaine. Elles parlaient des magasins où elles allaient faire leurs courses, des recettes traditionnelles ainsi que de nos ingrédients qui ne sont pas les mêmes que ceux qu’elles utilisaient dans leurs pays d’origine. Les épinards européens seraient-ils différents des épinards africains ? C’est du moins ce qu’elles laissaient sous-entendre.
Quoi qu’il en soit, cela amène toute une série de questions auxquelles cette analyse va tenter de répondre. D’un point de vue méthodologique, une enquête a été réalisée en ligne et a permis d’interroger 50 personnes d’origine ou de nationalité étrangère. 2 Afin de compléter ces données, un focus group rassemblant une vingtaine de personnes de diverses origines 3 a été organisé à Bruxelles.4
À l’origine, cette analyse avait pour vocation de traiter uniquement la question de l’intérêt de l’alimentation locale pour les personnes d’origine ou de nationalité étrangère installées en Belgique. Cependant, suite à l’organisation de ce focus group, il est apparu que la consommation de produits locaux n’était que la partie émergée de l’iceberg des changements alimentaires auxquels les personnes d’origine étrangère font face. Nous avons donc décidé d’aborder la question alimentaire plus largement. Un élément ne sera par contre pas abordé ici car il nécessiterait une analyse à part entière : la dimension de genre dans la transmission de la culture alimentaire.
L’analyse s’intéressera donc successivement :

  • à l’état des lieux de la situation belge en termes de population et de consommation de produits locaux ;
  • à la culture alimentaire et aux habitudes alimentaires belges ;
  • à l’équilibre entre adaptation et maintien des habitudes lors des migrations ;
  • au lien entre alimentation locale et multiculturalité ;
  • aux freins à consommer des produits locaux ;
  • à l’adaptation éventuelle des productions locales.

Nous pourrons découvrir que manger local n’est pas si simple que l’on pourrait le croire et ce d’autant plus pour les personnes d’origine étrangère.

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1 Personnes de nationalité belge et d’origine belge.
2 Il y a lieu de tenir compte d’un biais important dans cette enquête : la surreprésentation des répondants belges d’origine italienne ou de nationalité italienne. Au total cela représente 36 % des répondants.
3 Origines espagnole, marocaine, camerounaise, burkinabée, congolaise, angolaise, guinéenne, mauritanienne, italienne, équatorienne, vietnamienne, mexicaine…
4 Focus group s’intitulant : « Peut-on allier alimentation locale et multiculturalité ? »


Louise Vanhèse est conseillère en développement durable de formation ainsi que diplômée d’un master interuniversitaire en transitions et innovations sociales. Elle coordonne la thématique Consommation durable et est animatrice dans le Pôle Éducation permanente chez Citoyenneté & Participation.

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