Étude n°42 de Emma Raucent - juillet 2023
La société moderne occidentale est centrée autour du travail employé, tant sur le plan matériel que sur le plan culturel. D’une part, elle pose le salaire comme moyen essentiel de subsistance par la consommation de masse. D’autre part, la relation salariée a acquis une valeur structurante de nos rapports sociaux et de notre identité individuelle, si bien qu’elle passe pour un ordre établi alors
qu’elle n’est en réalité qu’une construction historique récente. Le travail tel qu’on le comprend aujourd’hui est une catégorie née sous le capitalisme industriel et est concomitante à l’émergence de l’économie comme discipline scientifique. Or, ces dernières années, un consensus scientifique se précise autour de l’insoutenabilité environnementale d’un tel modèle.Mais alors, quel rôle aurait le travail au sein d'une économie décroissante ?
Il apparaît de plus en plus clairement qu’une diminution de la pression exercée par l’économie marchande sur l’environnement doit nécessairement passer par une réduction de l’envergure de cette économie. Et donc par la réduction (voire la suppression) de certaines franges de la production, à commencer par celles qui sont les plus polluantes et qui ne sont pas jugées indispensables à la reproduction de la société. Traduite en termes de récession au sein d’une économie fondée sur la croissance, cette réduction prend pourtant tout son sens si elle s’inscrit dans le cadre plus large d’une politique structurelle faisant sortir l’économie du paradigme croissanciel.
Partant des constats posés par les chercheurs et chercheuses d'économie décroissante, la présente analyse examine les enjeux que de tels changements engendreraient vis-à-vis du travail et spécialement du travail employé. Comment redéfinir le travail et le rôle qu’il joue au sein d’une économie décroissante ? Quel avenir pour les rapports salariés et les institutions propres à ces rapports (comme le marché de l’emploi et le chômage) dans une économie dont on organise la décroissance ? Est-il possible de déconstruire les liens quasi-consubstantiels qui lient aujourd’hui l’emploi et la croissance ? Comment déconstruire l’impératif de "l’emploi à tout prix" qui justifie la promotion d’activités économiques désastreuses pour l’environnement et faire se rejoindre les luttes sociales et environnementales ? Dans quelle mesure une réduction collective du temps de travail peut-elle contribuer à garantir non seulement une justice sociale par l’emploi mais aussi une émancipation sociétale de l’emploi ?
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Emma Raucent est titulaire d’un master en droit ainsi que d’un master de spécialisation en philosophie du droit. Elle est chargée de recherche dans la thématique Famille, Culture & Éducation, au sein du pôle Recherche & Plaidoyer chez Citoyenneté & Participation.