Analyse n°21 de Citoyenneté & Participation - novembre 2008
Notre société est imprégnée d’information internationale. Ce qui se passe au-delà de nos frontières influence, chaque jour, notre vie. De la crise américaine des subprimes à la grippe aviaire, les exemples d’événements ayant un impact sur notre quotidien abondent dans l’actualité étrangère. Mais les médias reflètent-ils le monde tel qu’il est réellement ? À l’heure où enjeux globaux et locaux sont plus que jamais liés, qu’en est-il du journalisme international, vecteur de notre information ?
"Jamais le monde n’a été proche, mais jamais il n’a été aussi complexe." constate, à l’instar de ses confrères, le journaliste Jean-Paul Marthoz. Auparavant, les journalistes tentaient de rendre simple et intelligible une information étrangère souvent complexe. Aujourd’hui, la tendance s’inverse. La multiplication des canaux et moyens d’information incitent les médias à complexifier le monde et ses enjeux en apportant des éléments neufs, que "d’autres" n’ont pas. L’offre d’informations internationales est de plus en plus riche et diversifiée grâce, entre autres, à l’avènement de l’Internet dans la sphère médiatique. Paradoxalement, cette information ne s’adresse qu’à une minorité de la population. Baudouin Loos, journaliste au quotidien Le Soir fait remarquer que les articles les plus lus sur le site Internet du Soir sont rarement ceux qui traitent d’actualité internationale. Si ce n’est lorsque celle-ci concerne un fait d’actu "people"… Et Jean-Paul Marthoz de relater cette remarque humoristique (?) de Roger Hayes, président de Fox News Channel et du groupe Fox Television : "Deux chefs d’État sont sur scène. L’un déclare : "J’ai une solution pour le Moyen-Orient". L’autre trébuche et tombe dans la fosse d’orchestre. A votre avis, qui fera la une ?"
Selon Anne-Marie Impe, rédactrice en chef du magazine Enjeux internationaux, l’international "se réduit comme peau de chagrin". A titre d’exemple, les questions internationales n’occupent pas plus de 3% de l’espace rédactionnel des grands quotidiens américains régionaux ! Et l’exemple américain est particulièrement révélateur dès lors qu’il fait dépendre directement notre propre couverture du monde ! Comme le souligne Philippe Lamair, journaliste de la cellule "internationale" du Journal télévisé de la RTBF, 80% des sujets internationaux se font en salle de rédaction sur base de "pots communs d’images" appelés EVN, ou d’images d’agences de presse comme Reuters. Ces images sont, pour la plupart anglo-saxonnes et reflètent donc le monde tel qu’il est perçu par les anglo-saxons ! Par conséquent, certains endroits du monde deviennent des zones d’ombre si l’on n’y prête pas attention. Or, lorsque l’actualité ne concerne pas les États-Unis, ou leurs intérêts et implications, celle-ci risque purement et simplement de ne pas être relayée !
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