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Faut-il se méfier des algorithmes ?

Analyse n°376 de Hélène de Wasseige - juin 2019


Chaque jour, ce sont plus de 2,5 quintillions (1030) d’octets de données numériques qui sont générés, toutes plateformes confondues.1 Ce chiffre vertigineux ne risque pas de décroître avec l’essor des réseaux sociaux, des objets connectés, des applications de réalité virtuelle et des milliards de smartphones en circulation. Consciemment ou non, nous laissons dans notre sillage des traces numériques constitutives de notre identité et qui forment ce que l’on appelle notre double virtuel. Ces datas sont une source d’information précieuse pour les entreprises puisqu’elles leur permettent de mieux cerner nos goûts et nos intérêts. Mais comment parvenir à organiser, croiser et analyser cette gigantesque masse d’informations ? Grâce, notamment, aux algorithmes.
"Algorithme", ce terme laisse songeur. Il réveille en nous de vieux souvenirs mathématiques profondément enfouis sans que l’on sache précisément ce qui se cache sous ce terme quelque peu nébuleux. Pourtant, si l’on s’en tient à la définition proposée par Serge Abiteboul, directeur à l’Institut national de Recherche en Informatique et en Automatique (INRIA), il s’agit simplement d’une suite d’instructions utilisée pour résoudre un problème.2 En s’y référant, cela signifie qu’en réalisant une recette, en nous habillant le matin ou encore un montant un meuble, on opère des algorithmes. Imaginez-vous monter un bureau IKEA en exécutant directement la quatrième étape de votre mode d’emploi, le résultat risque d’être peu probant et vous comprendrez rapidement qu’il vaut mieux procéder aux étapes dans l’ordre. Alors quelles sont les réalités que renferme cette notion d’algorithme ?
Les algorithmes s’immiscent et régulent de plus en plus notre quotidien sans que nous en ayons toujours conscience.3 Que ce soit à travers les informations présentes dans notre fil d’actualité Facebook, le traitement d’une demande de prêt ou d’assurance, les recommandations Netflix ou encore les tarifs d’Uber, tous dépendent du résultat de systèmes algorithmiques. En août 2018, le journal belge L’Écho titrait "la police va prévoir la criminalité grâce à des algorithmes".4 Sur la base d’un grand nombre de données disponibles, des algorithmes vont être développés pour mettre en place un système de police prédictive. Ce système, déjà en vigueur aux Pays-Bas, permet notamment de mieux estimer les zones et les heures où les cambriolages sont les plus fréquents.
S’il est vrai que les algorithmes offrent un nouveau champ des possibles grâce à l’exploitation d’une grande masse de données, ils sont également synonymes de nombreux défis et craintes. En effet, depuis quelques années, des inquiétudes naissent quant à leur utilisation. Des titres à la une, comme celui de l’hebdomadaire Le point "Ces algorithmes qui nous gouvernent"5, illustrent cette anxiété et nourrissent un mythe autour des algorithmes qui prêtent à croire que ceux-ci ont des intentions néfastes. Pourtant, il est essentiel de garder à l’esprit qu’ils ne sont que des outils techniques. Les problèmes et les aspects éthiques qui en découlent ne dépendent eux que de l’emploi qui en est fait ou des biais introduits par les concepteurs.
Les algorithmes ont des effets concrets sur nos actions et sur les formes de sociétés que nous construisons. Pour cesser de les subir, il faut davantage les comprendre. À travers cette analyse, il s’agira de définir ce que sont les algorithmes et les différents concepts qui y sont liés. Ensuite, nous nous attellerons à déterminer les objectifs que les algorithmes du web poursuivent en se référant à la typologie proposée par le sociologue Dominique Cardon. Pour terminer, nous nous interrogerons sur les aspects éthiques liés à l’utilisation de ces robots calculateurs et nous conclurons en proposant quelques pistes susceptibles d’améliorer une coexistence entre algorithmes et éthique.

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1 B. Marr, How much data do we create every day ? The mind-blowing stats everyone should read, Londres : Forbes, le 21 mai 2018, [en ligne :] https://www.forbes.com/sites/bernardmarr/2018/05/21/how-much-data-do-we-create-every-day-the-mind-blowing-stats-everyone-should-read/#278e9ab960ba, consulté le 8 avril 2019.
2 S. Abiteboul, G. Dowek, Le temps des algorithmes, Paris : Le Pommier, « Essais & Documents », 2017, p. 10.
3 P. Bertail, D. Bounie, C. Stephan, P. Waelbroeck, « Algorithmes : biais, discrimination et équité », article multidisciplinaire des chercheurs de Télécom ParisTech & Fondation Abeona, n°1, 14 février 2019, p. 6-10.
4 L. Bové, « La police va prévoir la criminalité grâce aux algorithmes », L’Écho, 30 août 2018.
5 V. de Montclos, V. Gairin, « Ces algorithmes qui nous gouvernent », Le Point, 22 septembre 2016.


Hélène de Wasseige est chercheuse au CPCP. Récemment diplômée d’un master en Sciences Politiques elle a un intérêt particulier pour les nouvelles technologies.

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