Étude n°26 de Solène Houzé - novembre 2018
Depuis quelques décennies, les dénonciations des dérives du système agroalimentaire se multiplient. L’encouragement à l’ultraconsommation, le sacrifice de la qualité au profit de la rentabilité, les répercussions environnementales et le constat de toujours plus grandes inégalités socio-économiques quant à la production et la consommation n’en sont que quelques exemples. Même d’anciens acteurs de l’industrie agroalimentaire font volte-face pour prévenir leurs concitoyens. C’est notamment le cas de Christophe Brusset, un ancien ingénieur-responsable dans les groupes internationaux de l’industrie agroalimentaire, qui, en 2015, publie son livre Vous êtes fous d’avaler ça ! 1 Il y dénonce les excès et les dérives se produisant dans les coulisses de l’agroalimentaire.
Les consommateurs sont alors de plus en plus nombreux à choisir de s’alimenter autrement. De nouvelles attentes et de nouveaux critères sociaux, éthiques ou environnementaux apparaissent dans la consommation individuelle.
Cette prise de conscience et cette volonté d’ "alter-consommation" est alors encouragée par la responsabilisation individuelle de chacun quant à l’idéal d’un changement de société. Les attentes relèvent ainsi de préoccupations personnelles (santé, alimentation comme facteur social, etc.), mais également d’enjeux plus globaux qui dépassent l’individu. Le consommateur se sent concerné par le respect de l’environnement, les enjeux socio-économiques de la production agricole, le respect du savoir-faire paysan des producteurs, les conditions de travail au sein de la chaîne alimentaire, etc.2 Il va alors choisir de s’approvisionner dans divers circuits de distribution, classiques ou moins classiques, en fonction de ce qu’il recherche dans son alimentation et en fonction des enjeux qui lui tiennent à cœur.
On peut alors constater l’explosion des ventes dans le domaine de la consommation engagée.3 En 2014, en Belgique, deux personnes sur trois4 optent pour de l’alimentation bio de temps en temps. Le chiffre d’affaire issu des ventes de produits bio ne cesse d’augmenter. En Belgique, il s’élève à 632 millions d’euros pour l’ensemble des produits et à 488 millions d’euros pour les produits alimentaires uniquement, soit une augmentation de 5 % par rapport à l’année 2016.5
En France, il a atteint plus de 8 milliards d’euros en 2017. Il a donc augmenté de 16 % par rapport à l’année précédente.
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1 C. Brusset, Vous êtes fous d’avaler ça !, Paris : Flammarion, 2015, [en ligne :] https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/documents-temoignages-et-essais-d-actualite/vous-etes-fous-d-avaler-ca, consulté le 5 novembre 2018.
2 G. Pleyers, La consommation critique. Mouvements pour une alimentation responsable et solidaire, Paris : Desclée de Brouwer, 2011.
3 "La consommation engagée se définit par la volonté des citoyens d’exprimer directement par leurs choix marchands des positions militantes ou politiques", in S. Dubuisson-Quellier, La consommation engagée, Paris : Presses de Sciences Po, 2009.
4 S. Bel, T. Lebacq, C. Ost, E. Teppers, "Rapport 1 : Habitudes alimentaires, anthropométrie et politiques nutritionnelles. Résumé des principaux résultats, in C. Ost, J. Tafforeau (éd.), Enquête de consommation alimentaire 2014-2015, Bruxelles : WIV-ISP, 2015.
5 "Les chiffres du bio 2017", Biowallonie.com, 2018, [en ligne :] https://www.biowallonie.com/chiffres-bio-2017, consulté le 6 novembre 2018.
Solène Houzé est chercheuse au CPCP. Elle est titulaire d’un master en agroécologie.