Cahier n°5 de Citoyenneté & Participation - décembre 2023
Pourquoi les personnes en situation précaire sont-elles si peu présentes dans les initiatives de transition ? Telle est la question que nous nous posions au sein de notre association (plus spécifiquement au sein d’ateliers en éducation permanente). Un rapprochement entre toutes ces personnes vivant dans l’insécurité et ceux que nous appelons les transitionneurs est-il seulement souhaitable ? Est-il désiré de part et d’autre ? Qu’est-ce qui empêche concrètement ces deux publics de se rencontrer et de construire ensemble de la résilience, une autre vision de la société, d’autres modèles de pensée, de consommer ?
Toutes ces questions faisaient aussi l’objet de réflexions au sein du mouvement Transition. C’est pourquoi Citoyenneté & Participation et le réseau francophone des initiatives de transition se sont associés en 2019 pour mener une première enquête parmi les transitionneurs.
Les résultats de cette première enquête ont été très riches sur le plan qualitatif grâce à des transitionneurs qui ont répondu avec beaucoup d’honnêteté. Ces résultats mettaient en évidence leurs freins (et ce qu’ils supposaient être les freins des personnes en situation précaire), leurs préjugés, mais aussi leurs motivations, leurs besoins et leurs très nombreux questionnements.
La nécessité de mener une seconde enquête s’est donc imposée naturellement auprès des personnes vivant une forme de précarité (financière, logement, santé, relationnelle, etc.). Voient-elles un intérêt à rejoindre une initiative de transition ? à quelles conditions ?
Ainsi, suite à l’épisode de la Covid-19, nous sommes partis à la rencontre de 168 personnes dans les rues, sur les marchés, dans des groupes en formation, dans des files d’attente pour des colis alimentaires, qui ont toutes fait preuve de beaucoup de patience pour nous fournir des réponses et des renseignements extrêmement éclairants sur leurs besoins.
À ce stade nous avions suffisamment d’éléments pour contrer les préjugés des uns et des autres -qui sont de véritables obstacles à la mixité sociale au sein des initiatives de transition- et faire état des besoins essentiels de chacun. Mais la tâche restait considérable. L’on ne pouvait se contenter d’écrire une énième publication sur les freins des uns et des autres (même s’il est nécessaire de les connaître, ça aide !) et se lamenter sur le caractère navrant de la situation.
Alors Citoyenneté & Participation s’est lancé dans tout un travail de recherche ; quelles solutions peut-on proposer aux porteurs de projets actuels et futurs pour lever des freins comme les problèmes de mobilité, de disponibilité, de garde d’enfants ? Quelles pistes peut-on proposer pour répondre aux besoins des transitionneurs et des personnes en situation précaire comme le réseautage ou la compatibilité entre bénévolat et allocations sociales ? Quels outils peut-on suggérer pour créer un climat de confiance au sein d’un groupe mixte et parler d’environnement sans être infantilisant ou au contraire scientiste ? Comment recruter du sang neuf pour booster le projet citoyen ? La nécessité s’est imposée de créer un guide pratique exposant toutes les réponses ou pistes de solutions que nous avions collectées afin de faciliter la vie des porteurs de projets qui auraient en ligne de mire la transition écologique mais aussi solidaire. Car l’un ne va pas sans l’autre. Pour paraphraser cette citation devenue célèbre : "l’écologie sans le social c’est du jardinage !" , si le jardinage ne vous suffit plus, nous vous invitons à lire le guide pratique de Salomé Deguelle et Karin Dubois.
Mais une autre question taraudait également quelques transitionneurs ; quels projets organiser qui répondent à la fois à des objectifs écologiques et solidaires ? Où trouver de l’inspiration ? Nous nous sommes donc mis à rechercher des porteurs de projet qui avaient réussi ce pari et constaté le développement d’une mixité sociale ; dans certains cas, les personnes en situation précaire sont des utilisateurs qui deviennent progressivement des organisateurs de projets, dans d’autres ce sont eux qui portent le projet dès le lancement.
On a donc rencontré Tatjana, Aurélie, Sofie, Amélie, Mohammed, Youssef, Robert et Xavier qui ont très généreusement accepté de partager leurs expériences et leurs précieux conseils. Avec eux nous avons parlé de l’organisation d’une objethèque, d’une épicerie sociale, d’une cuisine de quartier, d’un potager collectif et d’une bibliothèque de vélos pour enfants.
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