Analyse n°337 de Dounia Tadli - août 2018
Il y a un peu plus d’un an, l’abattoir de Tielt était sous le feu des projecteurs après la diffusion d’images montrant des cochons visiblement en détresse. L’été dernier a été rythmé par la crise du Fipronil, et on se souvient de la vidéo publiée en septembre présentant des bovins abattus sans étourdissement à Izegem. Sans parler de l’affaire Veviba du mois de mars, qui a remis en cause le respect des normes sanitaires d’un géant belge du secteur de la viande. Après quelques émois, nos consciences sont aujourd’hui apaisées et notre appétit retrouvé…jusqu’au prochain scandale. Heureusement, des mesures sont discutées pour lutter contre la maltraitance animale dans les abattoirs. Le lobby de la viande et les associations de défense animale s’accordent étonnamment sur une solution simple : l’installation de caméras de surveillance. Mais cette mesure mettra-t-elle fin aux dérives qui heurtent notre morale et tordent notre estomac ?
En Belgique, il s’agit en tout cas d’une idée phare de la charte signée par le ministre wallon du bien-être animal et la Fédération belge de la Viande.1 Plusieurs abattoirs, notamment Aubel et Anderlecht, ont anticipé le mouvement : on totalise seize caméras chez le premier, et quinze pour le second.2 Chez nos voisins français, le député Olivier Falorni, président de la commission d’enquête parlementaire sur les abattoirs en 2016, avait proposé un amendement au projet de loi agriculture et alimentation prévoyant l’obligation de vidéosurveillance. Bien qu’il s’agisse d’un engagement présidentiel, l’Assemblée nationale lui a préféré un autre amendement, selon lequel les abattoirs pourront installer des caméras sur base volontaire, à titre expérimental. 3 Les associations de défense de la cause animale déplorent cette décision, qui, selon elles, constitue un recul de plus en termes de bien-être animal parmi l’ensemble des amendements votés lors des États Généraux de l’alimentation de mai 2018.4 Si les députés avaient accepté l’interdiction du broyage des poussins mâles ou celle de la castration à vif des porcelets, la vie des animaux d’élevage (et de ceux qui travaillent avec eux) en aurait indéniablement été améliorée. Mais les effets de la vidéosurveillance en abattoir suscitent davantage de controverses.
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1 « Une charte pour améliorer la condition des animaux dans les abattoirs wallons », RTBF, 20 décembre 2017, [enligne :] https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_une-charte-pour-ameliorer-la-condition-des-animaux-dansles-abattoirs-wallons?id=9794406, consulté le 21 décembre 2017.
2 F. Braibant, « Des caméras de surveillance à l’abattoir d’Aubel », RTBF, 17 novembre 2017, [en ligne :] https://www.rtbf.be/info/regions/liege/detail_des-cameras-de-surveillance-a-l-abattoir-d-aubel?id=9765321, consulté le 15 juin 2018 ; « Des nouvelles caméras à l’abattoir d’Anderlecht », Abattoir, 2017, [en ligne :] http://www.abattoir.be/fr/nouvelles/de-nouvelles-cam-ras-l-abattoir-d-anderlecht, consulté le 15 juin 2018.
3 « Les caméras dans les abattoirs seront expérimentées mais pas obligatoires, L214 voit rouge », HuffingtonPost, 28 mai 2018, [en ligne :] https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/27/videosurveillance-dans-les-abattoirs-lassemblee-nationale-vote-en-faveur-dune-experimentation_a_23444795/, consulté le 20 juin 2018.
4 « Enfin, sur le terrain du bien-être animal, après des heures de débats animés, là aussi, les associations se disent déçues du résultat : de nombreux amendements pour interdire la castration à vif des porcelets, le broyage des poussins mâles, les cages pour l’élevage des lapins ou encore la vente d’œufs de poules en batterie ont été rejetés. » Par ailleurs, l’interdiction du glyphosate d’ici trois ans ou encore de la publicité pour la « malbouffe » à destination des enfants ont également été refusés. Voir J. Baldacchino, « Loi agriculture et alimentation : déception pour les défenseurs de la nature ? », France Inter, 30 mai 2018, [en ligne :] https://www.franceinter.fr/societe/loi-alimentation-un-rendez-vous-manque, consulté le 15 juin 2018.
Dounia TADLI est titulaire d’un master en anthropologie, spécialisée dans les relations humains-environnement.