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Les coopératives laitières à l'épreuve du "libre marché"

Analyse n°452 de Boris Fronteddu - avril 2022


Cette analyse constitue la deuxième et dernière partie d’une recherche plus large du CPCP sur le secteur laitier. La première, intitulée La filière laitière dans l’impasse productiviste : perspective historique, visait à décrypter la restructuration du secteur laitier depuis la deuxième moitié du XXe siècle. Le secteur a, en effet, connu de profonds bouleversements au cours de cette période marquée par l’essor de la production laitière intensive. Dans le monde des laiteries coopératives – qui collectent et/ou transforment le lait des producteurs/coopérateurs et cherchent des débouchés commerciaux – cette période s’est traduite par un important phénomène de concentration. Alors qu’avant la première guerre mondiale, la Belgique comptait près de 500 laiteries (dont un grande part de coopératives) 1, il n’en resterait plus qu’une dizaine en 2020. Le modèle coopératif conserve néanmoins une place centrale dans le secteur des laiteries. Ainsi, en Wallonie, quatre coopératives collectent plus de 85 % du lait produit. Au sein de l’Union européenne (UE), le secteur des laiteries est également dominé par le modèle coopératif qui représente environ 55 % des parts de marché.2
Dans ce cadre, cette analyse vise à appréhender dans quelle mesure le modèle coopératif permet aux producteurs laitiers de se prémunir contre la volatilité des prix du lait, des produits laitiers, ainsi que des exigences de productivité qui régissent le secteur. Pour ce faire, le premier chapitre établit brièvement le cadre législatif qui encadre les sociétés coopératives belges. Le deuxième chapitre, pour sa part, met en lumière les nombreuses critiques dont ont fait l’objet certaines grandes laiteries coopératives (notamment, de la part du syndicat européen European Milk Board) en ce qui concerne leur capacité à défendre les intérêts de leurs producteurs/coopérateurs.
Afin de mettre en perspective ces critiques, nous nous intéresserons à quatre cas particuliers de coopératives opérant en Belgique. Nous ferons tout d’abord un focus sur Milcobel. Il s’agit de la plus grande laiterie coopérative de Belgique. Celle-ci rassemble dans son giron 40 % des producteurs laitiers belges.3 Cette étude de cas permettra d’appréhender le mode de fonctionnement des laiteries coopératives de grande ampleur fonctionnant sur un modèle proche des sociétés privées multinationales. Nous passerons ensuite brièvement en revue trois exemples de modèles coopératifs dits "alternatifs" : Faircoop, Pur Ardenne et la Société des Consommateurs (SDC). Faircoop et Pur Ardenne sont des coopératives nées de l’initiative de producteurs à la recherche d’un autre modèle de développement, assurant une rémunération plus digne au producteur. La SDC pour sa part, est une coopérative de consommateurs dont l’objet était de créer une marque répondant aux attentes des consommateurs sur la base d’un questionnaire qui leur a été préalablement soumis.
Le chapitre quatre analyse les limites de chacun de ces modèles au regard de la structure actuelle de la filière laitière. À la lumière ces limites, le chapitre cinq propose une piste de solution législative au niveau national pour s’assurer que les coopératives agissent dans l’intérêt de leurs coopérateurs. Les conclusions avancent que la pertinence du modèle coopératif pour les producteurs dépend fortement du cadre au sein duquel l’ensemble du secteur évolue. La structure coopérative apparaît néanmoins comme un vecteur pertinent pour la transition vers une filière laitière nationale moins orientée vers la production intensive.

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1 De Herde V., « Narratif histoire : évolution des laiteries coopératives wallonnes de 1948 à nos jours », septembre 2020, Louvain-La- Neuve : UCLouvain, Sytra, travail d’investigation réalisé dans le cadre du doctorat en sciences agronomiques, avec le soutien du FRIA-FNRS, [en ligne :] https://sytra.be/fr/publication/evolution-laiteries-cooperatives-wallonnes, consulté le 22 mars 2022.
2 Augère-Garnier M.-L., « The EU dairy sector : Main features, challenges and prospects », décembre 2018, Service de recherche du Parlement européen (EPRS), PE 630.345, [en ligne :] https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document.html?reference=EPRS_BRI(2018)630345, consulté le 19 octobre 2021.
3 Une écrasante majorité des 60 % restants écoulent leur lait via d’autres laiteries (coopératives ou non).
Pour consulter les membres de la Confédération belge de l’industrie laitière, voir : https://bcz-cbl.be/fr/nos-membres. Les laiteries représentées au sein de la Confédération collectent 98 % du lait en Belgique.


Boris Fronteddu est chargé de recherche dans la thématique Consommation durable, au sein du pôle Recherche & Plaidoyer. Il est titulaire d’un master en journalisme ainsi que d’un master en politiques européennes.

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