Analyse n°312 de Dimitri Greimers - octobre 2017
La démocratie élective s’est progressivement imposée dans la plupart des États modernes. Depuis ses débuts, elle a subi bien des évolutions. Malgré cela, l’élection reste une procédure aristocratique d’accession au pouvoir. Ce procédé aboutit nécessairement au « gouvernement des meilleurs ». Jusque-là, ce trait a résisté aux vents de l’histoire. Mais aujourd’hui, la plupart des institutions démocratiques sont mises à l’épreuve. Tout se passe comme si la défiance citoyenne avait atteint un point de non-retour. La légitimité du système démocratique est écornée.
La médiatisation des "affaires" (abus de pouvoir, clientélisme et corruption) a progressivement sapé l’éthique du désintéressement, véritable postulat de l’engagement politique. Les liens de confiance que présuppose la relation entre les citoyens et leurs représentants se sont progressivement effilochés. Le rôle de la "particratie" est particulièrement pointé du doigt. La "loi d’airain de l’oligarchie"1, qui concluait que toute organisation humaine présente des traits oligarchiques, semble plus que jamais d’actualité.
De plus, à quelques exceptions près, les assemblées se sont progressivement vidées de certains profils comme les ouvriers. La sur-représentation de certaines professions et l’importance accrue des experts focalisés sur la communication ont ainsi accentué l’idée de non-représentativité des assemblées. L’absence de règles limitant la répétition des mandats autorise l’inamovibilité des acteurs politiques. D’un scrutin à un autre, ce sont ainsi toujours les "mêmes têtes" que l’on retrouve.2
D’un autre côté, le mouvement d’internationalisation contribue à réduire les capacités d’action des États. Dans divers champs sociétaux, les capacités de régulation des décideurs ont en effet été considérablement rétrécies. Du même coup, la classe politique semble incapable d’infléchir les trajectoires à l’œuvre ni de répondre aux aspirations de changement émises par le citoyen. Les réussites programmatiques centrées sur le retour de l’État-Nation et l’effervescence du populisme attestent ce malaise.
En réponse à cette crise de la démocratie élective, un vent réformateur tente de renouveler la communauté politique à travers le soutien de nouveaux modes de sélection des représentants et l’introduction de dispositifs incluant davantage le citoyen dans la décision collective. Ce mouvement vise à ré-enchanter la gestion collective.
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1 R. Michels, Les partis politiques. Essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, Bruxelles : Éditions de l’Université libre de Bruxelles, Réd. 1914.
2 Les figures politiques bénéficient de rendement croissant de leur popularité. Au final, les partis ne peuvent se détacher de leurs barons au risque de sacrifier autant de réseau d’influence. Certains groupements politiques comme Écolo ou plus récemment le PTB ont bien tenté de marquer de la distance vis-à-vis de ce culte de la personnalité mais ils ont finalement dû s’y résoudre.
Dimitri Greimers est titulaire d’un master en sciences politiques à orientation Affaires publiques.