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L’enseignement en immersion

As easy as ABC ?

Étude n°21 de Elise Ottaviani - décembre 2016


L’enseignement en immersion, qui se généralise et acquiert de plus en plus de succès en Fédération Wallonie-Bruxelles, semble être une évidence dans notre petit pays où se côtoient trois langues nationales. Pourtant, il n’a vu le jour qu’en 1997, s’inspirant de l’expérience du Canada qui le pratique depuis les années 1960. Malgré cela, l’idée de l’immersion linguistique n’est pas neuve. À titre d’exemple, aux 18e et 19e siècles, notamment, dans les familles aisées, les gouvernantes étaient recrutées sur la base de leur langue maternelle, afin d’instruire les enfants dont elles avaient la charge.

Néanmoins, des réticences ont longtemps subsisté. Selon les idées reçues, l’enseignement en immersion pouvait nuire au développement de la langue maternelle. C’est alors que deux experts, Wallace F. Lambert et R. Richard Tucker, ont analysé les débuts de l’expérience canadienne dans les années 1960, et l’évolution d’enfants anglophones suivant un enseignement partiel en français. 1 Ils ont été les premiers à émettre la constatation que non seulement la langue maternelle de ces enfants n’était pas affectée, mais qu’ils s’en sortaient également bien pour l’ensemble des matières.2 L’immersion a continué à se développer au Québec au cours des années 1960 et de la Révolution tranquille qui ont vu la province devenir progressivement unilingue. Les parents anglophones du Québec avaient alors exigé une approche plus efficace, autre que l’enseignement traditionnel, afin que leurs enfants maîtrisent le français.

Chez nous, les premières bases de l’immersion ont été posées en 1997, dans un décret qui sera ensuite modifié en 2007. L’objectif était de trouver une alternative à l’enseignement traditionnel des langues qui, s’il peut très bien fonctionner dans certains cas, est jugé trop peu efficace. En effet, malgré la meilleure volonté des professeurs, les occasions de parler restent rares et l’élève en ressort encore trop souvent avec la peur de s’exprimer et d’oser faire des erreurs. Aujourd’hui, l’immersion est en plein essor. Si l’on prend les chiffres de la rentrée 2015 (les chiffres de 2016 n’étant pas encore disponibles à l’heure où nous écrivons ces lignes), la Fédération Wallonie-Bruxelles compte 191 établissements en immersion dans le primaire (contre 118 en 2007, soit une augmentation de 81 %) et 135 dans le secondaire (contre 76 en 2007, ce qui représente une croissance de 78 %). On estime qu’environ 82 % des établissements de l’enseignement primaire qui pratiquent l’immersion optent pour le néerlandais et 16 % pour l’anglais, les quelques pourcents restants pour l’allemand. En ce qui concerne le secondaire, ce ratio est estimé à 69 %, 25 % et 5 %. Approximativement un tiers des établissements en immersion se situent dans la province de Hainaut.3 Au niveau des effectifs, on dénombrait, en 2015, 21 094 élèves inscrits dans le primaire (contre 11 300 en 2007) et 14 524 dans le secondaire (contre 5 987 en 2007).

L’essor de l’enseignement en immersion est donc considérable. Il est toutefois légitime de se poser un certain nombre de questions, tout d’abord dans le chef des parents qui ont certaines interrogations et certaines craintes : que peut-on attendre de l’immersion ? Rendra-t-elle mon enfant bilingue ? Ne portera-telle pas préjudice à la maîtrise de sa langue maternelle, ou à son apprentissage dans les autres matières ? Dans cette publication, nous verrons comment fonctionne l’enseignement en immersion en Communauté française, et en quoi il est différent d’autres choix tels que la submersion. Nous évoquerons également le mythe du bilingue parfait (mythe que nous essayerons de déconstruire), ainsi que les autres clichés concernant l’immersion. Nous passerons enfin en revue les avantages relatifs à ce type d’enseignement, les conditions de réussite, mais aussi les points d’attention. De cette manière, nous espérons éclairer les parents qui souhaitent poser un choix pour leur enfant en toute connaissance de cause.

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1 W. F. Lambert, G. R. Tucker, Bilingual education of children : The St. Lambert experiment, Rowley, MA : Newbury House, 1972.
2 H. Bouillon, M. Descamps, « L’immersion linguistique par la pratique. Le cas de l’École primaire de Court-Saint-Etienne », Met immersie aan de slag / Au travail en immersion, Louvain-la-Neuve : UCL-Presses universitaires de Louvain, 2011, p. 10.
3 Étonnamment, l’immersion s’est moins développée à Bruxelles que dans le reste du pays, principalement dans le fondamental. Une des explications peut être que les parents préfèrent directement inscrire leur enfant dans une école flamande (en submersion).


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