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À qui donner la parole dans les médias ?

Entre " dictature des experts " et journalisme citoyen

Analyse n°314 de Dounia Tadli - octobre 2017


Notre réalité quotidienne constitue le point de départ de notre exploration du monde. Ainsi, en nous réveillant chaque matin, nous reprenons contact avec cette réalité qui paraît ordonnée comme elle l’était la veille. Nous retrouvons nos proches tels qu’ils étaient. Nous prenons le métro ou le vélo pour nous rendre à l’école ou sur notre lieu de travail. Nous allons boire un verre avec nos amis à la fin de la journée. Nous expérimentons de façon directe ces différents événements, dont la matérialité est difficilement contestable. Par contre, en écoutant la radio ou en parcourant le journal, des réalités souvent inaccessibles transitent par le prisme inévitablement déformant des médias. Nous y apprenons qu’une telle décision politique a été prise ici ou qu’un ouragan a dévasté une ville là. Nous remettons rarement ces informations en question, même si nous ne pouvons pas les vérifier nous-mêmes.1 En ce sens, les médias d’information jouent un rôle primordial dans la construction sociale de la réalité. 2 Le choix des sujets présentés, mais aussi la manière dont ils sont traités, contribuent donc à façonner nos représentations à l’égard de la société. Ces éléments sont influencés par les contraintes inhérentes aux médias traditionnels (notamment en termes de temps, de moyens et de ligne éditoriale). Si cette dimension, en amont de la diffusion de l’information, est peu visible aux yeux du public, elle occupe néanmoins un rôle primordial dans la définition de la physionomie de l’agenda médiatique.3

Nous nous intéresserons plus particulièrement ici à ceux qui prennent la parole dans les médias d’information et à leur statut : journalistes, citoyensamateurs, experts… Nous verrons dans un premier temps dans quelle mesure les pratiques des médias traditionnels sont critiquées à cet égard, entre perte de confiance et dictature des experts. Le développement d’Internet (et particulièrement du Web 2.0) en tant qu’"espace mosaïque composé d’espaces de socialisation participant de la construction de réalités sociales particulières"4, a constitué un terreau propice à une réponse citoyenne. Nous développerons alors le concept du journalisme participatif et en présenterons quelques exemples, dont le Bondy Blog, dans la deuxième partie de ce texte. Nous terminerons par des éléments de réflexion autour de l’encadrement de la participation citoyenne, de la relativisation du statut de profane et de l’incompatibilité supposée entre objectivité et militantisme.

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1 P. Berger, T. Luckmann, La construction sociale de la réalité, Paris : Armand Colin, 1996 ; L. Van campenhoudt, Introduction à l’analyse des phénomènes sociaux, Paris : Dunod, 2001.
2 A. Tavernier, « Patrick Charaudeau, Les médias et l’information. L’impossible transparence du discours », Études de communication, n°29, 2006, p. 181‑1 84.
3 E. Marty, et al., « Diversité et concentration de l’information sur le web », Réseaux, 176,2012, p. 27-72.
4 O. Tredan, « Le “journalisme citoyen” en ligne : un public réifié ? », Hermès, La Revue, 47, 2013, p. 115‑1 22.


Dounia TADLI est titulaire d’un master en anthropologie, spécialisée dans les relations humains-environnement.

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