Analyse n°448 de Boris Fronteddu - février 2022
Cette analyse constitue la première partie d’une recherche, plus large, du CPCP sur la filière laitière en Belgique. Elle se concentre sur l’évolution du secteur depuis la deuxième moitié du XXe siècle et a pour objet de mettre en lumière les grandes dynamiques politiques et socioéconomiques qui ont structuré la filière au cours du temps. La deuxième partie de la recherche – qui sera également disponible sur le site web du CPCP – se concentrera, pour sa part, sur l’évolution et le rôle des laiteries coopératives en Belgique.
Retracer l’évolution récente de la filière permet, en effet, d’appréhender de quelle façon les grandes orientations politiques, d’une part, et les principaux acteurs économiques du secteur, d’autre part, se sont organisés afin de restructurer celui-ci en profondeur. La montée en puissance de nouveaux acteurs – tels que les laiteries industrielles et la grande distribution – qui s’affirment comme des maillons essentiels de la chaîne de valorisation 1 modifient considérablement les rapports de forces. En parallèle, la création, dès 1968, de l’Organisation commune de marché du lait de la Communauté européenne et la suppression progressive des quotas laitiers à partir de 2009 vont ouvrir la voie à la libéralisation du secteur en Europe. Ces profondes transformations législatives et socioéconomiques constituent le principal moteur de l’essor de la production laitière intensive. Ainsi, en Belgique, entre 1984 et 2020, le nombre de producteurs laitiers a fondu, passant de 40000 à 7000. À l’inverse, la productivité par exploitation a drastiquement augmenté. Et pour cause, alors que le nombre de fournisseurs s’est effondré, les quantités de lait collectées en Belgique ont bondi de plus de 40% en vingt ans. Il existe cependant de grandes disparités régionales en la matière ; cette augmentation est, en effet, principalement le fait d’agriculteurs flamands. Les éleveurs, pour leur part, ont vu leur pouvoir d’achat et leurs conditions socioéconomiques fortement impactés suite à la libéralisation de la filière. Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, les exigences en termes de productivité et de compression des coûts de production se sont en effet constamment renforcées. En outre, depuis la suppression des quotas laitiers, leur vulnérabilité aux fluctuations du commerce international s’est considérablement accrue. Les trois "crises laitières" successives (2009, 2012 et 2015-2016) en constituent des exemples éclairants.
À la lumière de ce bref et non exhaustif historique de la filière, nous évoquerons quelques pistes d’actions politiques réalisées au niveau régional afin de favoriser le développement de modèles de production dits "alternatifs" c’est-à-dire plus respectueux du bien-être des éleveurs, du climat et de l’environnement, et nous discuterons de leurs limites. Les conclusions de cette analyse quant à elles, tenteront d’apporter quelques éléments pour alimenter la réflexion sur les futurs possibles de la filière et sur le paradoxe entre, d’une part, les objectifs climatiques et environnementaux de l’Union européenne et, d’autre part, les règles communautaires qui régissent la filière laitière.
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1 La valeur du lait de vache est liée aux différents produits issus de sa transformation (par exemple : le lait de consommation, la crème fraîche, le fromage, le yoghourt…).
Boris Fronteddu est chargé de recherche dans la thématique Consommation durable, au sein du pôle Recherche & Plaidoyer. Il est titulaire d’un master en journalisme ainsi que d’un master en politiques européennes.