Analyse n°447 de Joëlle Mignon - janvier 2022
À l’ère post #MeToo, le monde des médias et du journalisme n’échappe pas à la remise en question des problématiques de genre qui s’y sont cristallisées. Cette analyse a pour but de passer au crible des "lunettes genre" ce monde médiatique qui semble bien résistant à laisser plus de place aux femmes, tant devant que derrière la caméra. Les femmes représentent 51% de la population belge. Pourtant, le milieu médiatique leur fait tout sauf la part belle et leur condition de femme a tendance à les discriminer dans leur travail : elles ne forment que 35% de l’effectif journalistique en Belgique francophone.1
Le milieu médiatique est encore très empreint de sexisme, un sexisme qui se reflète dès lors dans les représentations des femmes que ces mêmes médias donnent à voir. Il s’agit bien là d’un manque de diversité dans la profession journalistique, qui octroie aux hommes la quasi exclusivité de la parole publique et ne permet qu’une représentation partielle de la réalité.
Depuis la pandémie de Covid, les conditions de travail ont empiré pour les femmes journalistes. Déjà plus sujettes au cyberharcèlement que leurs confrères, le passage au tout-numérique avait constitué un obstacle de taille pour leur épanouissement au travail. Elles sont aujourd’hui aussi les plus touchées par les difficultés que le télétravail a amenées dans les foyers et par les licenciements que la crise financière a vu augmenter depuis la pandémie, leurs postes étant souvent plus précaires.
Ces derniers mois, des campagnes et événements médiatiques ont mis en lumière les réalités des femmes journalistes. Le documentaire Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste ! 2, par exemple, dépeint les conditions des journalistes sportives, tandis que #SalePute 3 des journalistes Myriam Leroy et Florence Hainaut aborde les manifestations grandissantes du cyberharcèlement. Sur une note plus positive, la campagne CharactHer 4 de la Commission européenne promeut quant à elle la présence de femmes dans les métiers de l’audiovisuel et met en lumière des trajectoires féminines dans ces métiers encore très cloisonnés, au sein desquels les femmes ne sentent pas toujours la possibilité d’évoluer.
Dans la présente analyse, nous avons choisi de mettre le focus sur les médias belges francophones et la représentation des femmes dans et à travers ceux-ci. Nous tentons de mettre le doigt sur les causes et les conséquences de la faible présence des femmes dans la profession, d’appréhender les problèmes de violences et de harcèlement dont les signalements sont foison dans les rédactions, et d’énoncer des propositions concrètes pour améliorer la visibilité de toutes les femmes dans nos journaux et dans nos émissions, devant comme derrière la caméra.
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1 F. Le Cam, F. Libert, F. Menalque, Être femme et journaliste en Belgique francophone, Rapport de recherche AJP-ULB-LaPIJ-UMons, Bruxelles : 14 décembre 2018
2 M. Portolano, G. Priou, Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste !, Canal+ Sport, Paris : 19 mars 2021.
3 M. Leroy, F. Hainaut, #SalePute, Kwassa Films, 2021.
4 CharactHer, campagne de la Commission européenne et du collectif 50/50, Paris : 2021, [en ligne :] https://characther.eu, consulté le 23 novembre 2021.
Joëlle Mignon est titulaire d’un master en sciences politiques et de formations en langues modernes et en journalisme. Elle travaille au sein du pôle Éducation permanente du CPCP, dans la thématique Médias & Actions citoyennes.