Analyse n°443 de Boris Fronteddu - novembre 2021
De nouvelles techniques en matière de génie génétique viennent bouleverser le secteur mondial des OGM. Parmi celles-ci, l’édition génomique CRISPR-Cas9 est perçue par l’industrie biotechnologique comme un véritable marché d’avenir. D’après ses promoteurs, cette nouvelle technique pourrait, notamment, permettre de rendre de nombreuses variétés végétales résistantes aux conséquences du changement climatique. À l’inverse, ses détracteurs craignent des effets néfastes tant pour l’environnement que pour l’organisation de l’ensemble de la chaîne agroalimentaire elle-même. Alors, qu’en est-il réellement ?
Pour tenter de répondre à cette question, cet article s’intéressera brièvement à l’histoire de la sélection et du génie génétiques. Il dressera ensuite un aperçu du cadre législatif qui régit le commerce des semences et le génie génétique au sein de l’Union européenne et en Belgique. À la lumière de ces éléments, nous nous pencherons sur la technique d’édition génomique CRISPR-Cas9 qui permet, notamment, d’altérer une séquence précise d’un génome sans nécessairement y introduire de gène étranger (contrairement aux OGM "ancienne génération"). 1 Cette avancée scientifique mène l’industrie biotechnologique à faire pression sur les décideurs européens afin que les organismes modifiés par le biais de cette nouvelle technique échappent à la législation relative aux OGM.
Dans ce cadre, en 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a été amenée à se prononcer sur le sujet. L’arrêt qui en ressort est clair : les produits obtenus via ces techniques doivent être légalement considérés comme des OGM au sein de l’UE. Malgré cette décision de justice, l’industrie biotechnologique poursuit sa campagne de lobbying au niveau européen afin de déréglementer leur usage et leur développement.
Par ailleurs, si les propriétés que présentent ces OGM "nouvelle génération" apparaissent pertinentes pour répondre aux défis climatiques, environnementaux et démographiques à venir, il convient d’appréhender le cadre culturel au sein duquel ceux-ci font leur apparition. Pour comprendre de quelle façon un contexte socioéconomique et politique favorise le développement et la légitimation de nouvelles techniques de génie génétique, nous nous intéresserons à la construction du "consensus" relatif à l’innocuité des OGM "ancienne génération" pour la santé humaine.
La dernière partie traitera d’une mouvance alternative au sein du secteur semencier et de la sélection génétique : les semences open source. Après en avoir déterminé les limites, nous conclurons avec quelques éléments de réflexion sur le potentiel impact d’un développement à grande échelle des OGM "nouvelle génération" et proposerons quelques initiatives politiques au niveau belge pour répondre aux menaces que fait planer le réchauffement climatique sur notre sécurité alimentaire.
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1 Pour une analyse complète concernant les OGM "ancienne génération", voir : DUBOIS K., OGM. Science sans conscience ?, Bruxelles : CPCP, « Au quotidien », mai 2019, [en ligne :] http://www.cpcp.be/publications/ogm-science-conscience, consulté le 31 août 2021.
Boris Fronteddu est chargé de recherche dans la thématique Consommation durable, au sein du pôle Recherche & Plaidoyer. Il est titulaire d’un master en journalisme ainsi que d’un master en politiques européennes.