Étude n°29 de Adeline de Wilde - juin 2019
La maison brûle et les colibris étouffent… Cette métaphore, légèrement détournée de l’originale 1 (les colibris, dans la version popularisée par Pierre Rabhi, sont les citoyens qui tentent de faire leur part pour éteindre l’incendie de la jungle et dont le comportement va inspirer les autres animaux) désigne la situation alarmante de nos sociétés face aux enjeux environnementaux. L’image, peu réjouissante, est pourtant éloquente : face au réchauffement climatique, à la disparition de la biodiversité et à l’effondrement des écosystèmes, les petits gestes du citoyen qui veille à éteindre la lumière et à sortir ses "tup-tup" en faisant les courses sont largement insuffisants. Il aura beau devenir végétarien, rouler à vélo et faire son produit de lessive lui-même, si ses efforts ne sont pas entendus ni soutenus par le monde politique, il ne parviendra pas à canaliser l’incendie. Notre-Dame, sans l’intervention d’un pouvoir public organisé et disposant des moyens d’actions nécessaires comme les pompiers de Paris, aurait disparu en fumée s’il avait fallu attendre que les citoyens remplissent des bassines dans la Seine et les déversent sur les flammes.
S’il ne faut pas que l’appel aux politiques démobilise pour autant les citoyens (puisque chaque déchet épargné est déjà ça qui ne sera pas brûlé, par exemple, et qu’à chaque trajet en voiture évité ce sont des kilos de CO2 qui ne seront pas émis), il est cependant nécessaire que les personnalités politiques au pouvoir prennent conscience des attentes et des comportements de leurs citoyens, sans qui le système ne fonctionnerait pas, et agissent en mettant en place des mesures pour accompagner leurs démarches.
Comment se fait-il que les enseignements prodigués à l’école primaire en matière de réduction de déchets, de tri, de sensibilisation à l’alimentation et de respect de la nature et de la biodiversité se dissipent à l’âge adulte ? Que certains coins de campagne, loin des regards, se transforment en dépotoirs à ciel ouvert ? Que des milliers de canettes jonchent les bas-côtés des routes ? Que le compost ou la poubelle orange à Bruxelles n’aient pas encore été adoptés par la majorité de la population ? Que les administrations ni même les entreprises ne soient pas toutes passées aux impressions sur papier recyclé et en recto-verso ? Que l’on considère hygiénique de recouvrir les aliments dans une matière issue du pétrole, telle que le plastique ? Que l’on accepte de manger des fruits et des légumes qui ont été arrosés 27 fois par un produit assez nocif pour décimer les abeilles ?
Comment arrive-t-on à de tels écarts entre ce que l’on prône aux enfants à l’école et la réalité de la société dans laquelle ils grandissent ? Il semblerait que, parfois, la quête effrénée de profits et la volonté de réduire les coûts à tout prix de certaines entreprises créent ce genre de dissonances. Les plus à même de prendre du recul face à l’engrenage du libre marché et de la concurrence et à réguler un minimum ce qui est proposé aux consommateurs sont les politiques au pouvoir. Ils devraient en tout cas être les mieux placés pour assurer la cohérence entre ce qu’ils proposent dans l’enseignement et ce qu’ils tolèrent comme moteurs économiques de la société.
Néanmoins, comme la thématique environnementale en politique est un vaste sujet, nous nous pencherons plus particulièrement sur ce que les politiques pourraient mettre en place, à Bruxelles, en Belgique et en Europe, pour favoriser une réduction drastique des déchets (viser ainsi le "zéro déchet") dans la société. Parmi nos chevaux de bataille,
on retrouvera la question de l’interdiction du plastique à usage unique et celle du retour de la consigne (développée dans une prochaine analyse).
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1 La légende du colibri, [en ligne :] https://www.colibris-lemouvement.org/mouvement/legende-colibri, consulté le 12 février 2019.
Adeline de Wilde est chercheuse au CPCP et membre du collectif z’Héros déchets.