Analyse n°325 de Dounia Tadli - janvier 2018
"Nous, on est dans l’involontaire…" nous dit la participante d’un atelier organisé par le CPCP, en réponse à la présentation d’initiatives dites de "simplicité volontaire". Si nous abordons cette thématique au sein de nos groupes d’éducation permanente, c’est qu’il nous semble que les mouvements de Transition1 sont susceptibles d’entrer en convergence avec ceux de lutte contre la pauvreté.2
Plusieurs similitudes entre ces deux mouvements méritent en effet d’être soulignées. Les objectifs, tout d’abord, sont comparables : expérimentation de nouvelles manières de vivre ensemble, respect de l’humain, société plus solidaire et plus juste, viabilité écologique… Les thématiques rencontrées sont donc aussi communes : énergie propre et bon marché, alimentation saine et équilibrée, lieu de vie convivial, etc. Et, de manière générale, les dynamiques mises en œuvre sont semblables par plusieurs aspects : valorisation des compétences de chacun, utilisation des ressources locales disponibles, importance des liens sociaux, convivialité, autonomie…3
Force est pourtant de constater que les mouvements en transition sont encore trop souvent assez homogènes socialement. Dans nos ateliers, des participants en situation de précarité dénoncent un manque d’ "hospitalité" au sein de ces groupes… La présente publication tentera d’expliquer ce manque de convergence, a priori surprenant, en procédant d’abord à une remise en contexte de ces mouvements distincts. Nous verrons de quelle manière la société consumériste a, d’une part, participé à la reproduction d’inégalités et, d’autre part, provoqué un rejet de la part de classes plus aisées et/ou cultivées. Ces dernières recourent à la simplicité volontaire en signe de protestation, mais elles l’utilisent aussi comme moyen de se distinguer socialement, ce qui peut expliquer l’inhospitalité de ces mouvements plutôt homogènes à l’égard des personnes qui subissent une sobriété involontaire.
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1En 2006, le britannique Rob Hopkins lance la première ville en Transition. Face aux conséquences dramatiques du réchauffement climatique, l’enseignant en permaculture propose de nouveaux modes de vie moins dépendants du pétrole et plus respectueux de l’environnement. Aidé par des concitoyens, il a organisé une série de projets : potagers collectifs, groupes d’achat en commun, monnaie locale, atelier de réparation de vélos, habitat partagé… Depuis cette expérience, les villes en Transition se sont multipliées : elles seraient environ 1 200 réparties dans plus de 45 pays aujourd’hui.Voir https://www.reseautransition.be.
2 Les mouvements de lutte contre la pauvreté renvoient à un ensemble d’associations créées en réaction aux inégalités engendrées par le système économique dominant. Ces associations de terrain, qui regroupent souvent professionnels et volontaires, organisent des formations (alphabétisation, insertion socioprofessionnelle) ou des projets plus globaux visant à recréer des liens sur un territoire donné. En pratique, ce sont aussi bien des ateliers créatifs, des potagers partagés ou des groupes de défense du droit au logement qui sont organisés. Voir J.-Y. Buron, « Entre lutte contre la pauvreté et Transition : des ponts à jeter ? », Vivre Ensemble Éducation, 2014, no 3, p. 1-9.
3 Ibid.
Dounia TADLI est titulaire d’un master en anthropologie, spécialisée dans les relations humains-environnement.